Nous voudrions ici jeter les bases de ce que nous entendons par sport durable. Notre réflexion s’est inspirée des travaux de Allen Guttmann et Jacques Ullman (voir bibliographie ci-dessous).

Nous pourrions définir le sport durable comme celui dont l’empreinte écologique ( qui détermine la pression que l'Homme exerce sur les ressources naturelles) est minimale et que tous peuvent pratiquer une grande partie de leur vie. Il est évident que les activités physiques les plus populaires (la marche, le jogging, le vélo) ont des empreintes écologiques bien moindre que les sports professionnels et olympiques qui remplissent nos écrans.

Ces sports de performance , et c’est le cœur de la thèse de Allen Guttmann, sont intrinsèquement liés aux fondements scientifiques et technicistes de l’Occident moderne.

On pourrait, en s’inspirant de Jacques Ullmann, distinguer les sports durs des sports doux : les sports modernes, durs, sont tributaires de l’idée de progrès, de la non-limite aux améliorations, alors que les sports doux sont conditionnés par une métaphysique de la finitude. Rappelons que l’antiquité grecque se méfiait comme de la peste de la démesure, de l’Hybris ou hubris, qui menace à la fois la nature et le corps des athlètes.

Ulmann oppose ainsi sport durable (dit doux) et sport de la performance (dit dur) sur dix grands points :

·         Sécularisme versus connexion : Les sports durs sont des activités de la performance, souvent intimement liés à un temps (un chrono ou des temps, des mi-temps), ou à l’espace (des longueurs, des hauteurs…), alors que les sports doux sont plus liés à la connexion et au lien avec leur environnement ou leur intériorité.

·         Egalité versus appartenance : Nos sports modernes sont intimement liés à l’égalité des chances afin d’atteindre une égalité de niveaux. C’est une forme de sport à tiroirs (exemple, une équipe de junior en première division va jouer contre une équipe à peu près semblable : ce qui va la distinguer, c’est la performance de l’individu). Dans les sport doux, l’accent est mis sur l’appartenance, comme des équipes de quartier où les âges et les niveaux se mélangent.

·         Spécialisation versus harmonisation : Dans les sports durs, chaque athlète se spécialise dans un sport (ou quelques), et ‘travaille’ son physique pour améliorer sa performance dans ce sport, alors que dans les sports doux, le plaisir et le bien-être ont une place centrale.

·         Rationalisation versus spontanéité : Dans la plupart des sports modernes, la formation d’un athlète ressemble à bien des égards à l’assemblage d’une mécanique (avec un programme, des étapes, un timing...), alors que dans les sports durables l’accent est mis sur la spontanéité, la surprise, l’inattendu.

·         Bureaucratie versus esprit d’initiative : Nos sports modernes et particulièrement professionnels sont gérés par des ligues, des fédérations, des comités, avec des règlements et des règles strictes. Les sports durables quant à eux ne nécessitent pas pour la plupart une telle organisation.

·         Quantification versus l’art : Les statistiques ont pris depuis longtemps le pas sur la ‘beauté du geste’.

·         Quête des records versus l’émulation : Se mesurer à l’autre, cela fait partie du jeu. Mais il convient de distinguer émulation et compétition. Fondée sur l'admiration, l'émulation est un sentiment généreux. La compétition s'apparente davantage à la rivalité. «La rivalité et l'émulation ne s'exercent pas sur les mêmes objets, précise Littré. L'émulation a pour objet de surpasser en mérite, en vertu etc.; la rivalité a pour but de disputer la possession d'un bien, le pouvoir, la richesse, une femme, etc.»

·         Agisme : Les sports modernes s’exercent pour la plupart entre 15 et 45 ans, alors que les sports doux peuvent se pratiquer à tous âges.

·         Empreinte écologique élevée : Les sports durs doivent souvent respecter des normes strictes, des contraintes sévères et atteignent des coûts élevés que ce soit dans leur établissement que dans leur pratique. Les sports doux sont plus légers quant à leurs coûts et leurs pratiques.

·         Mondialisation : A quelques exceptions près, les sports modernes ont tendance à se répandre sur la planète entière, au détriment des sports traditionnels, souvent locaux. Ces derniers sont peu coûteux en énergie et s’adaptent à leur environnement. On peut prendre d’exemple de la balle pelote ou de la crosse.

Conclusion.

Nous aimerions que nos pouvoirs publics et nos pouvoirs locaux se délaissent de la mentalité du toujours plus et des effets de mode, et se consacrent davantage à encourager et promouvoir la pratique des sports doux et durables. La construction d'un grand centre sportif couvert ou d’un terrain de hockey ‘dernier cri’ incitent les gens à penser que cela les rendra plus actifs. Ils s'en lasseront aussi vite que de l'appareil de gymnastique qu'ils viennent d'installer dans leur sous-sol. Mais embellissez nos villages conduisant à des campagnes où d'autres promeneurs leur accorderont de l’intérêt et vous les verrez aller à la rencontre de cette vie. Ces émergences de la vie, il faut le rappeler, ne se prêtent guère à la planification. Le paysage vivant n'est pas la cause de la société vivante. Ils se fécondent l'un l'autre, naissent et renaissent en même temps.

Hermann Pirmez

Administrateur d’EPURES

En collaboration avec le Comité Pour un Sport Durable. 

Bibliographie :

  • Allen Guttmann, Du rituel au record, la nature des sports modernes, Paris, L'Harmattan, 2006.
  • Jacques Ullman, De la gymnastique aux sports modernes, Paris, Vrin, 2ème éd. 1971.
  • Denis Grozdanovitch, de l’art de prendre la balle au bond, précis de mécanique gestuelle et spirituelle, Jean-Claude Lattès, 2007.