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Texte original de la carte blanche publiée dans Espace-Vie d'avril 2018.

Les élections communales approchent.

Une saison pré-électorale plus ou moins chaude en fonction des micro-climats locaux.. Ici, les échanges seront corrects et respectueux. Là, cela sera féroce. Certains vont se targuer de ce qu’ils ont fait. Leurs opposants vont répliquer qu’ils avaient fait mieux, en oubliant ce qu’ils n’avaient pas fait ou ce qu’ils n’auraient pas dû faire, avec l’espoir que certaines affaires ne refassent pas surface. Les partis jouent un match de foot qu’il faut gagner : adopter la posture qui plait et décrédibiliser l’adversaire. Quitte à collaborer peu après, ce qui brouille les cartes et le crédit que leur accordent les citoyens. Ceux-ci, , pas en reste, fustigeront celui qui aura porté atteinte à leurs intérêts, alimentant une confortable vision clientéliste. Il y aura du déballage, des attaques,  des mensonges, des « fake news ». Comment mieux faire, restaurer les liens et entrer dans une dynamique positive ?

Nous sommes dans une démocratie représentative et certains élus considèrent leur(s) mandat(s) comme un pré carré.  Le pouvoir leur est donné pendant une mandature et ce sont eux qui décident. La contestation leur est intolérable, l’avis du citoyen est parfois vécu comme une usurpation. La participation leur parait souvent imposée et au mieux, ils la voient comme une mesure cosmétique pour avoir la paix.  Quand des rencontres sont initiées, le discours politique reste ex cathedra et ne favorise pas l’échange. Beaucoup ne se rendent pas compte de l’évolution des choses,  ne veulent ou ne savent rien y faire. Pire, ils ne voient pas que l’Espace Public est en train de muter. De la rue, il s’étend sur les réseaux sociaux qui sont devenus des lieux de débat importants, même et surtout au niveau local, avec ou sans modération.

Des expériences récentes à Grez-Doiceau autour de la création d’une grande zone 30 dans le centre de la commune nous ont offert l’occasion d’aborder des manières de faire (un peu) autrement.

Le projet a, dans un premier temps, fait l’objet de réunions d’information et d’échanges fort classiques, dont les résultats furent utilisés pour amender le plan. Puis une phase-test fut lancée et avec, comme toujours, son lot de couacs, malgré un « certain » effort de communication. Il n’a pas fallu longtemps pour voir se lever des boucliers. Ceux qui s’estimaient lésés se sont répandus en plaintes sur les réseaux sociaux, dans un groupe local. Fortuitement, mais à bon escient, un internaute a créé un nouveau groupe pour accueillir ces jérémiades. Pour expérimenter, pourquoi ne pas proposer aux participants d’y faire part de leurs avis en privilégiant les données objectives, les réflexions citoyennes et les idées d’amélioration ? Dès lors,  ces échanges se sont (partiellement) autorégulés et ont contribué à éclairer la suite des débats. Et puis, pour que la rouspétance dépasse l’incantation déprimante, ne faudrait-il pas l’obliger à la contre-proposition ?

Par ailleurs, les autorités communales avaient promis de revenir vers les citoyens pour exposer le bilan de la phase-test. Elles n’ont pas fait le traditionnel choix de la salle et de l’estrade, mais celui d’un Agora basé sur les cercles samoans : à notre connaissance, une  première en Brabant wallon pour un projet de ce type.  Les cercles samoans sont une technique de débat qui consiste à travailler par cercle(s). Des cercles extérieurs où se placent les « spectateurs » et un cercle intérieur où se retrouvent les « débatteurs ».  Des cercles extérieurs qui regroupent dans notre cas les citoyens par rues, quartiers ou villages et un cercle intérieur avec cinq chaises dont l’une doit rester libre. Celui qui veut participer à la discussion rentre dans le cercle, s’y assied et l’un des quatre déjà présents doit partir. Et cela se fait naturellement. Par la suite, chaque cercle extérieur répond à des questions concernant le plan de circulation et ses conséquences pour lui. Il établit une liste de réponses et de suggestions  qu’un rapporteur vient exposer dans le cercle central.

Ces échanges ont enrichi la version ultime du plan de circulation. Tout le monde n’a pas été content du résultat final, mais passer par une telle procédure a  amélioré la qualité du projet en privilégiant la collaboration plutôt que l’opposition.

Participer à cet Espace public que sont les réseaux sociaux en vue de favoriser le débat démocratique, utiliser les techniques déjà en vigueur dans des mouvements associatifs, voire s’aventurer dans de « nouvelles » formes de gouvernance, comme la sociocratie, peuvent être des moyens pour réconcilier élus et citoyens tout en améliorant le vivre ensemble.

A condition d’accepter de part et d’autre de jouer le jeu jusqu’au bout.

Denis Marion

Pour l’ASBL EPURES

Pour en savoir plus sur les cercles samoans